Si j’aurais à expliquer ce qu’est le gouvernement en fonction d’uniquement ce que j’ai observé des politiciens dans ma vie, je dirais que le gouvernement, c’est le développement de la culture de l’incapacité de répondre aux questions que nos adversaires politiques (et les journalistes) nous posent dans le but tordu de défendre les projets de son propre parti en utilisant le moins possible d’arguments pour le faire. En résumé, les rares fois ou j’ai fait l’erreur d’écouter la “période de questions” à l’assemblée nationale, j’ai compris que ce n’était malheureusement pas suivi d’une période de réponses. La plupart du temps, on est spectateur de ce que j’appellerais, sans exagérer, des enfantillages de cour de récréation, par des gens bien habillés avec un vocabulaire bien habillé. Ces habits ne sont qu’un simulacre d’intelligence. Un simulacre qui cache la vérité: Leurs cerveaux sont vides.


Je vous dit ça le plus sérieusement du monde. J’ai très souvent vu des gens de l’école primaire, sinon des adultes avec d’énormes problèmes psychologiques, utiliser plus de vocabulaire et démontrer des capacités de réflexion beaucoup plus aiguisées que tout ce que j’ai eu le malheur de voir par des politiciens à l’assemblée nationale ou devant des journalistes. Soit les cerveaux des politiciens sont vides tels les yeux vides d’une personne qui ne comprend pas une question, soit, au minimum, ils ne savent pas eux-mêmes de quoi ils parlent. Plus précisément, les idées des partis politiques sont soit incomprises, soit indéfendables par les politiciens eux-mêmes, par manque d’information parce qu’ils ne savent simplement pas ce qu’ils foutent là. L’autre possibilité? C’est qu’ils sont tout simplement lâches.


Et ensuite on se demande pourquoi le peuple a un cynisme collectif envers la politique. Hey, si on parlait plutôt du cynisme des politiciens envers la politique? La culture d’absence de réflexion est la norme des gens qui sont surpayés pour gérer la province, le pays dans lequel nous sommes, et vous avez le culot de critiquer le peuple lorsqu’il se place au même niveau que les politiciens que vous défendez?


Vous les avez éduqués comme ça. Vous leur avez donné l’exemple de comment gérer la province. Le gouvernement a le peuple qu’il mérite.


Il y a plus de 10 ans, dans une impressionnante entrevue aux Francs-Tireurs (Émission 355: 30 novembre 2011), Pierre Paradis, ex-Parti Libéral, disait “Le gouvernement, c’est comme une berceuse: Ça crée l’illusion du mouvement, mais vous restez à la même place”. Il explique comment ça fonctionne, si vous avez “des idées”.



Voilà toute l’ampleur de l’absurdité de la démocratie. Voilà tout ce que ça prend, au Québec, pour avoir une idée, en politique. Finalement, je comprends les politiciens: Tout ça ne donne pas le goût d’avoir des idées.


Mais la période de questions devrait être une tempête d’idées, d’informations et de réflexions pointues sur les enjeux de la province, du pays, de la planète, et même plus, par les cerveaux les plus allumés et les plus réveillés de notre bout de terre. Malheureusement, lorsque je vois une “lueur”, c’est un événement. Le standard, en politique, c’est la culture de l’obscurantisme. Le standard, en politique, c’est de ne pas avoir d’idées.


Vous voulez mettre fin au cynisme du peuple envers la politique? Arrêter de vider votre benne à ordures d’arrivistes bornés en manque de pouvoir qui font honte à l’intelligence humaine dans le parlement serait un bon début. Mettre fin au cynisme de la politique envers la politique en premier serait un bon début. Mais je devine que pour empêcher ça, il faut que mon idée passe par un parti et programme politique et des caucus et des comités ministériels et interministériels et conseils de législation et être lu trois fois avant d’être approuvé par le Lieutenant-Gouverneur. Sinon, ce serait de la politicophobie, hein.


Partis de jambes en l’air


La vérité, c’est que les jeunes pleins d’espoirs qui sont assez fous pour avoir des cartes de membres pour appuyer leur parti politique Québécois préféré se font grassement remercier de leur “dévouement”. Par exemple, on peut se faire inviter à un événement “politique” qui dure une heure dans un hôtel. Pour ça, le parti leur paiera des chambres d’hôtel pendant deux jours. Un simulacre de politique pour deux jours de boisson et de débauche. Pas nécessaire d’avoir des idées pour être un jeune “citoyen modèle”. Vous avez juste à aimer la bière et aimer baiser. Avec un peu de chance, vous serez élus.


Je rappelles que lorsque Ashley Madison a été piraté (un site qui était littéralement un site de rencontres pour tromper votre “chum” ou votre “blonde”), et que toutes les adresses e-mails des utilisateurs ont été publiées, on y a trouvé “647 adresses courriel étaient liées au gouvernement du Canada (gc.ca), 17 au gouvernement du Québec (gouv.qc.ca), 50 au parlement à Ottawa (parl.gc.ca) et 170 aux Forces armées canadiennes (forces.qc.ca) (…) et deux comptes à la ville de Montréal (ville.montreal.qc.ca)”. Mais ceci n’est évidemment pas le total… C’est uniquement les courriels des politiciens qui étaient tellement insouciants qu’ils n’ont même pas cru bon utiliser une adresse e-mail différente et qui ont carrément utilisés leur adresse e-mail gouvernementale officielle et les serveurs officiels du gouvernement pour s’inscrire et converser sur un site d’adultère.


Politico-statuquo-ex-nihilo


La politique est le meilleur moyen de faire semblant d’avoir des idées. Vous pouvez littéralement passer votre vie à être grassement payé pour faire perdurer l’illusion que votre parti politique ou votre gouvernement font quelque chose, tout en étant entouré de gens qui préféreraient tous, de toute façon, qu’aucune idée n’arrive et que rien ne change. Du changement? Des idées? En politique? Ça voudrait dire des politiciens qui risqueraient d’arrêter d’être grassement payés. La honte de retourner travailler avec le “petit peuple” serait bien trop grande pour eux. Tant que le “petit peuple” continues de croire en le simulacre de politicien exemplaire bien habillé avec un vocabulaire bien habillé (vocabulaire que le petit peuple ne comprend pas nécessairement non plus), les politiciens préféreront la honte d’être inutiles, et d’être payés à rester inutiles, infiniment.


Tout ça me rappelle Saint-Octave-de-l’Avenir.


Il y a plus de 50 ans, il existait un village en Gaspésie appelé Saint-Octave, alias Saint-Octave-de-l’Avenir. Dans ce livre, on raconte que les gens y construisaient des bâtiments “en moins de temps que ça prenait au gouvernement pour faire leur paperasse”… Jusqu’à ce que le gouvernement s’en mêle et ralentisse tout pour que tout fonctionne à leur vitesse – c’est-à-dire fasse tout échouer, et empêche tout avenir décent à ce village.


Tout ça me rappelle, surtout, Lac-Mégantic.


Beaucoup de gens à Lac-Mégantic s’inquiétaient de la vitesse à laquelle les trains passaient dans la ville. Trains qui transportaient évidemment des wagons de pétrole (et autres produits dangereux). Après la tragédie de Lac-Mégantic de 2013, j’ai vu un “citoyen modèle” aux yeux du gouvernement. Un citoyen qui participait activement à sa communauté, qui pose des questions, qui veut des réponses, qui veut que les choses changent. Il a eu droit à une entrevue à la télévision, dans laquelle il a dit:


“On me disait “Mêle-toi pas de ça, c’est politique”, maintenant mon fils est mort.”


Je ne suis probablement pas le seul anarchiste à avoir pleuré devant la télévision lorsque j’ai entendu ça.


Honte à la politique. Gloire aux idées. Gloire à la démocratie participative – et lorsque celle-ci n’existe pas (ou ne fonctionne pas), gloire à l’action directe.